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MAISON DES 5 SENS

Le coup de coeur de Mamu : BARBENHEIMER ou l’histoire de deux bombes…

9 Avril 2024, 08:23am

Publié par Maison des 5 Sens

Le coup de coeur de Mamu : BARBENHEIMER ou l’histoire de deux bombes…

Mamu, alias Murielle Navarro, est Docteure en arts plastique. Régulièrement, elle nous livre ses coups de cœur. Ce mois-ci : Oppenheimer VS Barbie...

L’été dernier a été marqué par un événement cinématographique singulier, avec la sortie simultanée de deux films foncièrement antinomiques : l’un, teinté de la couleur sucrée d’un bonbon rose (Barbie) et l’autre, au goût amer, imprimé de la noirceur inquiétante d’une invention scientifique destructrice (Oppenheimer). Ainsi le curieux phénomène de Barbenheimer « né d’une contraction », et relayé par les internautes sur tous les réseaux sociaux, a boosté considérablement les entrées dans les cinémas du monde entier, tout en faisant couler beaucoup d’encre…. « Et quand vient le soir, pour qu’un ciel flamboie, « le rose » et le noir ne s’épousent-ils pas ».

Mais comment peut-on accoupler une bombe sexuelle à une bombe nucléaire ? Certes ce rapprochement risqué semblait osé, et pourtant… L'Histoire de la bombe n’a-t-elle pas été associée à un sex-symbol de l’époque, avec l’icône, Rita Hayworth, dont la photo de son personnage, Gilda, avait été collée sur la coque d’un missile atomique ? Quand EROS rencontre THANATOS.

Rita, la Pin-up idolâtre d'Hollywood, ou la blonde Barbie qui débarque sur les plages de Californie… Notre monde bien réel, cabossé par ses excès et ses faiblesses, survient également au cœur de l’intrigue de Barbie, atteinte brusquement de pensées morbides, qui découvre, bien malgré elle, une nouvelle société dans les nuances de gris. En venant « chercher réparation », elle se retrouve projetée très loin de Barbie land, cette ville colorée et joyeuse peuplée de poupées parfaites. Son univers fictif, plein d’insouciance, représente une cité frivole sans mâles (vraiment), tandis que la vie réelle est dominée par un monde de mâles, (essentiellement) et de mal. En effet, notre pauvre Ken en pâle caricature masculine, se contente de faire de la figuration dans le sillage de cette Barbie charismatique, jusqu’au jour où il perçoit avec elle, le machisme ambiant dans la réalité quotidienne.  

Aux États-Unis, les Oscars hollywoodiens, ont surtout récompensé Oppenheimer, ce brillant physicien haut en couleurs, qui, grâce à son étonnante matière grise, nous a légué cependant et surtout, ses idées les plus sombres. Difficile d’ailleurs de nos jours, de voir la vie en rose avec un écran noir sur nos nuits blanches. Le film dénonce en outre le maccarthisme, les luttes d’influence dans la communauté scientifique et nous brosse le portrait tragique d’un chercheur tourmenté par ses terribles découvertes, un homme torturé que le remords va ronger jusqu’à la fin de sa vie.

Ainsi le phénomène BARBENHEIMER a mis en lumière deux milieux si distincts, le premier baignant dans un environnement féminin et féministe plus ou moins utopique, lorsque le second va nous conduire inéluctablement sur le chemin chaotique de la guerre, plus spécifiquement masculin. Barbie ne pourrait-elle pas alors matérialiser physiquement « l’origine du monde »  et Oppenheimer personnifier symboliquement « l’origine de la guerre » comme saurait le suggérer cette œuvre de la plasticienne ORLAN ?
La fiction enchantée sera finalement vaincue par la triste réalité. La prestation éclatante de Cillian Murphy, aux éclairs de génie, a été saluée unanimement par tous les critiques, mais c’est le scintillant Ken, tout de rose vêtu, qui illuminera de sa présence pailletée, cette 96ᵉ cérémonie des Oscars, en y apportant une touche de fantaisie framboisée. Comme un pied de nez d’« une bombasse » à une bombe ?

Murielle Navarro

 

1 / d’après le texte de jacques Brel « ne me quitte pas »
2 / Gustave Courbet, l’origine du monde, 1866, huile sur toile, musée d’Orsay
3 /  ORLAN, l’origine de la guerre, 1989, 2012, photographie

 

 

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