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MAISON DES 5 SENS

Il était une fois, deux fois, cent fois ……. la Joconde

15 Février 2011, 14:52pm

Publié par M5S


En 1503, quand Léonard de Vinci peint la Joconde, Mona Lisa est une jeune femme de vingt deux ans et une épouse comblée.  En effet, elle est déjà mère de deux petits garçons. Son mari, messere Giocondo, riche marchand de soie,  souhaite lui rendre hommage en commandant au grand maître italien un portrait,  sans se douter que sa femme bien aimée deviendrait un jour, une véritable icône pour l’éternité. Le portrait est un genre prisé à la Renaissance mais Léonard y apporte une touche toute nouvelle en glissant sur les lèvres de Mona Lisa ce sourire impalpable et si délicat. Francesco del Giocondo ne possèdera jamais ce tableau car le maître ne s’en séparera pas avant sa mort (?), il finira par le peindre pour lui-même (1). Et d’ailleurs l’heureux bourgeois florentin l’aurait-il vraiment accepté en sa demeure ? A l’époque, ce tableau n’était-il pas lui-même source de scandale ? Comment oser représenter une épouse respectable, avec le sourire et les sourcils épilés telle une vulgaire courtisane, devant un paysage si lointain, sauvage et inquiétant (2)?


Et pourtant ce portrait fondu dans un paysage brumeux, au chemin sinueux nous invite à un voyage dans le temps, et nous égare dans les méandres de la méditation. « La pittura e cosa mentale » (la peinture est une chose mentale) écrivait Léonard. Une douce harmonie se glisse entre la figure et le paysage. Les bordures se révèlent incertaines et volontairement floues, nous perdant dans une perspective atmosphérique qui se dilue dans l'ombre et dans la lumière. Le grand maître italien adoucit les nuances et suggère les contours, en mélangeant doucement le clair à l'obscur.
La Joconde se tourne vers le spectateur et ne nous quitte jamais des yeux,  et c’est en quoi elle demeure à jamais fascinante car elle capte notre regard en instaurant une bienveillante complicité. Son sourire énigmatique et éphémère marque cet imperceptible instant entre la sérénité apparente d’une jeune femme et le chaos qui se devine dans ce paysage imaginaire. Le portrait demeure une méditation sur le temps qui s’écoule inexorablement tout comme l’eau qui coule sous le pont dévoilé à l’arrière plan du tableau. Ce pont nous permet de traverser d’une rive à une autre dans les marécages de notre vie.             


                     Mona Lisa mènera une existence paisible au Louvre jusqu’au jour où elle sera dérobée par un mystérieux cambrioleur en août 1911. L’affaire tourne au scandale et fait grand bruit, l’enquête s’oriente dans toutes les directions, on en arrive à soupçonner les peintres cubistes et même le poète Guillaume Apollinaire car il avait affirmé haut et fort qu’il « fallait brûler le Louvre ». En fait, l’auteur du délit s’avère être un simple ouvrier italien qui travaillait au musée. Il avait volé la Joconde en pensant la restituer légitiment à son pays d'origine. Quand elle fut retrouvée en Italie, deux ans plus tard, elle retourna tout naturellement au Louvre, et fut accueillie comme il se doit, avec tous les honneurs dus à un chef d'état. Elle avait fait la une de toutes les gazettes du monde entier. Dès cet instant, le célèbre tableau apparaîtra comme un mythe éternel, comme un véritable objet de culte, une madone profane devenue une idole sacralisée jusqu'à l'outrance.
Mona Lisa n’avait rien perdu de son légendaire sourire.


Ce qui n’empêchera pas le facétieux Marcel Duchamp, en 1919, d’affubler dans une démarche dadaïste, le célèbre sourire de la Joconde, d’une belle paire de moustaches et d’une petite barbichette. Et comble du sacrilège, il y ajoutera une légende des plus irrévérencieuses : LHOOQ. (Prononcer toutes les lettres). De plus, par cette ambigüité, il sèmera désormais le trouble sur l’identité réelle de la Joconde. Artiste intellectuel comme Léonard, le père de l’art contemporain jettera ainsi une première pierre dans le temple muséal en s’interrogent sur l’œuvre d’art elle-même, il bouleversera ainsi l’art du XXième siècle en cassant tous ses codes traditionnels.


Et que penser de Robert Filliou qui dans la lignée des Fluxus, produira une installation décalée et des plus insolentes ? : « La Joconde est dans les escaliers ». En s’attaquant à l’icône par excellence, il met en scène finalement son absence dans une approche iconoclaste. L’immortelle Mona Lisa se devine alors comme une simple concierge, dans un nouveau ready-made dont le style n’est pas sans évoquer les nouveaux réalistes des années 1960. (Balai brosse, seau, serpillère). L’héritier de Marcel Duchamp dépasse le maître dans le blasphème. L’œuvre initiale n'est même plus recouverte d’un quelconque graffiti car elle a tout bonnement  disparu. Filliou a voulu détruire l'image traditionnelle mais invite le spectateur à sa propre représentation intérieure.

 

(1) Daniel ARASSE, Histoire de peintures, Paris, Folio essai, Gallimard 2004 pages 31 à 43

(2) Ibid.

 

 

                                 La Joconde inspirera bien d’autres artistes jusqu’à nos jours, entre parodie et adaptation, entre réinterprétation et détournement, chacun a voulu se réapproprier à sa manière cette icône universelle. Sereine, Mona Lisa garde toujours le sourire….

 

 

280px-Mona_Lisa.jpg

Léonard de vinci, la Joconde, huile sur panneau de bois de peuplier, 1503, 77x53cm, Paris, le Louvre

 

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Marcel Duchamp, LHOOQ, carte postale (19,7x12,4 cm), 1919

 

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Robert Filliou, la Joconde est dans les escaliers, installation, 1969

 

 

Murielle N

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M
<br /> merci Maité , à bientôt pour la prochaine conférence sur Jérôme Bosch et la renaissance flamande<br /> <br /> <br />
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M
<br /> un article très intéressant comme le fut la conférence sur le même thème.<br /> Merci Murielle.<br /> <br /> <br />
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