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MAISON DES 5 SENS

Le coup de coeur de Mamu : "Le syndrôme de l'orangerie" de Grégoire Bouillier

17 Décembre 2024, 10:10am

Publié par Maison des 5 Sens

Le coup de coeur de Mamu : "Le syndrôme de l'orangerie" de Grégoire Bouillier

Un titre accrocheur pour un roman sacrément original, empreint de poésie et même parfois teinté d’humour, malgré des effluves certes morbides. Le détective Bmore en visitant le musée de l’Orangerie, est soudain envahi par une sensation de malaise inexplicable, en découvrant les nymphéas de Claude Monet. Les panneaux circulaires, baignés de couleurs douces et pastelles, possèdent pourtant un charme apaisant, tout en insufflant une sérénité bienveillante. Mais, il se sent englouti dans une atmosphère angoissante et mortifère, comme enchevêtré dans les eaux profondes et visqueuses de ces marécages. Le héros, persuadé que Monet a voulu laisser un message beaucoup plus sombre derrière ces fleurs lumineuses - telle « une inquiétante étrangeté » - va enquêter sur la vie passée du peintre en édifiant des hypothèses les plus insolites sur l’œuvre du maitre impressionniste.

Et on aime à y croire, tant ses arguments, tellement convaincants, ne laissent aucune place au doute et parce que ce détective possède décidément de solides connaissances en art et en littérature. Pour appuyer son discours esthétique, notre personnage cite entre autres, les écrits de Daniel Arasse, la pensée d’Andy Warhol sur l’art sériel, les théories de Kandinski, et même L’écume des jours de Boris Vian… sans oublier Paul Klee lorsqu’il affirme à juste titre : « l’art ne reproduit pas le visible, il rend visible…. ».

Dès lors, rendre visible l’invisible devient l’enjeu majeur de ce livre palpitant, parce que selon Bmore, lorsque Monet commence à peindre ses iconiques nymphéas (1914-26), ces simples nénuphars tout en fleur, il cherche avant tout à y dissimuler des cadavres, les racines obscures de sa vie douloureuse dans un geste freudien : la mort de sa première muse Camille à 30 ans, en pleine fleur de l’âge (justement), le décès de son fils ainé, la guerre de 14 et ses millions de sacrifiés, la cécité qui le menace insidieusement de jour en jour…

L’auteur nous livre ici un récit surprenant et attachant, à la fois foisonnant de détails presque obsessionnels et passionnant dans ses déductions (semblant) tellement évidentes, mais aussi déroutant avec trop de digressions (même si elles finissent en associations d’idées), qui donnent l’impression de divaguer dans des eaux troubles au risque de se noyer…

Le style Grégoire Bouillier est assez particulier : après des envolées esthétiques dignes des plus grands historiens de l’art, le voilà qui s’égare dans un langage populaire qui fait tache. Après l’enchantement, on ressent alors un certain agacement, mais c’est sans doute voulu par l’auteur, pour accrocher davantage le lecteur regardeur. De même ses longues parenthèses dérangeantes et complexes, qui nous éloignent totalement du sujet premier (notamment sur Auschwitz…) avec, parfois, l’envie furieuse de « sauter des pages ».

Une chose est certaine, ce livre ne laisse personne indifférent, car notre regard sur Monet a forcément changé et parce qu’on y a découvert aussi des œuvres peu connues, certes pas les meilleures, mais qui nous ont apporté des détails intimes sur son existence privée très tourmentée.

Et puis cet ouvrage nous confère, surtout, ce désir impétueux de découvrir ou de redécouvrir Giverny et le musée de l’Orangerie …. Histoire de Goûter à ces « oranges amères » ?

Grégoire Bouillier, Le syndrome de l’orangerie, Flammarion, Lonrai, 2024, 429 p

 

Le coup de coeur de Mamu : "Le syndrôme de l'orangerie" de Grégoire Bouillier

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