L'exposition du mois de mai: Joëlle Arnut-Hanebali
Joëlle ARNUT-HANEBALI a fait l’Ecole des Beaux-Arts de Bordeaux. Elle vit et travaille à Tétouan, au Maroc. Elle a déjà réalisé de nombreuses expositions au Maroc, mais également dans les pays de l’est, en France et au Japon.
Elle expose à La Maison des Cinq Sens, durant le mois de mai : 12 travaux sur papier qui sont le reflet d’une recherche et d’une maîtrise de la gravure et des estampes obtenues, travaillées, retravaillées. Les techniques de la gravure obligent à simplifier les formes à avoir un dessin contrasté. En utilisant des techniques variées : linogravure , eau-forte sur cuivre et collage, gravure sur bois, aquatinte sur plaque de zinc, gravure sur argile, gaufrage, techniques mixtes sur papier, Joëlle ARNUT-HANEBALI va bien au-delà de la technique dans sa recherche d’expression.
Dans sa présentation, Joëlle dit ceci :
« Mon travail, apparemment hétéroclite trouve sa cohérence dans le temps et dans l’accumulation de détails, c’est une collection ouverte, en construction, d’éléments identifiés comme appartenant à une forme de représentation de la figure humaine. Cette quête, je l’inscris dans une lecture universelle de l’humain »
Nous sommes ici en présence d’un dépouillement, d’un détachement de la matière et le temps n’a plus de prise sur l’Homme. Ne reste que ce qui est commun aux individus : » une histoire sans histoires, une incidence sans incidents, hors de » la poussière d’instants » comme le dit Bachelard à propos du temps dans son livre L’INTUITION DE L’INSTANT.
« Foule, groupe, couple, individu, portrait, tout ou partie du tout de la personne humaine ; solitude, isolement, enfermement, espace carcéral ; formes décharnées, osseuses, expressives, expressionnistes, uniformes, anonymes, stéréotypées ; corps hiératiques, répétés, alignés, encastrés, compilés ; corps en marche, corps morts ; portraits fragmentés, morcelés, puzzle, constituent l’essentiel, inlassablement, de mes préoccupations plastiques depuis de nombreuses années. » écrit encore Joëlle ARNUT-HANEBALI et nous ne pouvons que nous interroger.
Comment le dépouillement, la trace des êtres, leur durée morte d’un passé aussi vide que leur avenir peut-il autant nous toucher lorsque nous entrons dans la salle d’exposition ? Au premier regard, nous sommes frappés, au sens propre du terme, par ces séries de traces de corps qui réveillent chez quelques uns d’entre nous des souvenirs d’un temps historique dur et conduisant les corps à la mort.
Et puis il y a l’élégance du noir et blanc et de la terre d’ocre rehaussée par les pastels ou la peinture dorée. Il y a l’éclat éthéré de l’âme des individus ; tout ce qui traverse les âges et perdure dans le souvenir. Nous sommes dans la construction mentale qui nous fait toucher du doigt l’éternité; le rythme dans les séries, les alignements, la répétition des corps ou des parties du corps œil ou bouche, est un moyen de conserver les énergies les plus diverses et de les transmettre.
A la suite de cette rencontre j’ai eu envie de relire ce poème de François Cheng / Le livre du Vide médian
Ici
Nous avons posé l’obscur
Nous avons posé l’éclat
Pour qu’un jour se souvienne
Ici
Nous avons tracé le trait
Nous avons laissé vacant
Pour qu’enfin advienne
Je vous invite à plonger dans l’univers de Joëlle ARNUT-HANEBALI , à prendre le temps de vous interroger avec elle; à savourer cette empreinte des individus qui ne subsiste que dans le regard et sur les lèvres des vivants que nous sommes et dans l’art si expressif de l’artiste. Comment le minimalisme des formes épurées en symphonie noire et blanche peut-il créer un tel expressionisme, un tel dialogue entre le spectateur et les œuvres ? Les bouches ont la force des champs de coquelicots noir et or. L’œil noir est la matrice d’un espace peuplé d’yeux blancs qui ont poussé par en-dessous et l’artiste se fait voyeur du spectateur. Les silhouettes se pressent dans l’espace selon une règle leur laissant peu d’espace et le tout nous renvoie à notre propre souffle vital. Nous sommes dans l’instant , à vivre intensément alors que l’œuvre de Joëlle ARNUT-HANEBALI a gagné une dimension autre dans L’espace-temps.
*** Impressions, réflexions, mots et photos : Maïté L
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