UNE DEMANDE EN MARIAGE TOUT TERRAIN :une sacrée performance théâtrale.
Il faisait nuit.
le Pont de Pierre dépassé nous avons cherché où avait lieu cette
DEMANDE EN MARIAGE TOUT TERRAIN dont nous pensions qu’elle serait singulière.
Le Port de la Lune et ses basses eaux, les reflets de la ville
et nous voilà sur la PÉNICHE SORELLINA, rouge passion : « Entrez mesdames et messieurs ; faites comme chez vous ; installez-vous le long des hublots et des bouées de sauvetage »
et prenez la vie d’une famille en marche. Pas de chichis.
Madame Tchouboukov, en tablier de cuisine, donne sans façons un dernier coup de balai au LIEU central tandis que sa fille prépare en-cas et boisson au bar.
Ainsi le décor est planté ; Le public en fait partie. Place au texte et aux trois acteurs.
La DEMANDE EN MARIAGE de TCHEKHOV a été jouée pour la première fois à Saint-Pétersbourg en 1889 et le sujet en est l’impossibilité de se maîtriser. Sujet toujours actuel dans notre société qui nous rappelle que « l’enfer c’est les autres »
crédit photo: compagnie Au cœur du Monde/ Les Lubies
Tout au long de la pièce en un acte, NATHALIE MARCOUX, VINCENT NADAL que nous avions apprécié dans l’Affaire Coin-Coin sur l’Île Nouvelle et MERCEDES SANZ vont déployer des vagues d’énergie où le spectateur est pris à témoin dans des apartés ponctuant les crescendo de chaque scène. S’ensuivent des rires généreux, de l’émotion, des cris de surprise, des complicités avec le spectateur jugeant du bien-fondé de la colère : bref une osmose de proximité acteurs-public.
Chez les Tchouboukov, prenez la mère, coléreuse et qui ne s’en laisse pas conter ; Ajoutez-y sa fille Natalia qui dégaine les mots plus vite que son ombre, têtue, ardente, amoureuse aussi.
Quant à leur voisin, Lomov, un jeune homme maladif, il arrive, en costume pour faire sa demande en mariage.
Pas si simple quand les deux familles se connaissent depuis les arrière-arrière grands-parents et consorts et traînent des rancœurs, des contentieux non résolus. Sous un langage en apparence feutré au départ, couve la braise sur laquelle vient souffler la tempête des mots et une aptitude certaine à monter le ton et à exprimer la violence des menaces sous le nez de l’un ou de l’autre.
Rien n’est gagné d’avance : enchaînement de quiproquo ; embrouilles autour de la possession des Petits Prés aux vaches, intimidation, menaces, recours aux ancêtres : mais à qui appartiennent donc les dites terres ? Madame Tcheboukov finira échevelée et monsieur Lomov partira très fâché. Mais il n’en restera pas là et il reviendra faire sa demande en mariage auprès d’une Natalia inquiète et amoureuse de l’éconduit. Chacun ne cédant pas d’un pouce s’affrontera aussi par Ougadaï et Otkataï interposés. Qui aurait pensé qu’un chien puisse autant déchaîner les passions? Qu’avancer comme arguments lorsqu’on vous dit en tout bien tout honneur que « votre chien est bégu et qu’il a le maxillaire supérieur qui dépasse le maxillaire inférieur » ce qui le rend inapte à beaucoup de choses !
Il y aura la panne du cœur de Lomov, la peur qu’il en meure et finalement la bénédiction de la mère qui aspire à retrouver une vie plus calme. Une bénédiction qui en arrière-plan a l’air de déclarer aux tourtereaux : « aimez-vous ! Déchirez-vous mais allez au diable ! A moi la paix ! Champagne et cannelés pour tous ! »
La PÉNICHE SORELLINA, a résonné de toute la rouge passion théâtrale et n’a pas bougé d’un pouce ; la performance remarquable des acteurs, très sympathiques et talentueux a été longuement applaudie.
UNE DEMANDE EN MARIAGE TOUT TERRAIN d’après ANTON TCHEKHOV est produite sous la direction de FLORENCE MARQUIER.
Production : Compagnie AU CŒUR DU MONDE/ LES LUBIES
Une coproduction de l’IDDAC.
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L’opportunité d’assister à cette séance de théâtre insolite sur l’eau nous a été concoctée par JEAN- MARC GRUARD de BALADE EN TOUT SENS et la MAISON DES CINQ SENS.
Maïté L
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