Les coups de coeur de Mamu : des livres à dévorer cet été !
Juin, joins, ci-joint
« L’ours est un écrivain comme les autres »
Je viens de découvrir par hasard, parmi mes « oubliés », un petit roman sans prétention, léger et plein d'humour, je dirais même plus... superficiel, mais en profondeur selon la célèbre formule de Nietzsche ; un régal, cette histoire au goût de miel et aux saveurs sucrées...
Arthur Bramhall docteur en littérature, écrit des romans, mais à la suite d'un malheureux incendie, il perd l’ébauche de son livre et décide de cacher son nouveau manuscrit en pleine forêt, afin de mieux le protéger. Ce qui s’avère finalement une fausse bonne idée, puisque sa vie se verra totalement chamboulée, lorsqu'un ours mal léché s'empare de son bien si précieux, en flairant la bonne affaire. L'animal sauvage s'enfuit alors, pour tenter sa chance auprès des plus grands éditeurs ; son attitude déconcertante, avec son physique massif et velu, son langage rustre et primitif vont en faire la coqueluche de la bonne société new yorkaise.
Comme prévu, le roman dérobé devient le bestseller du moment en rencontrant un succès fou. La bête essaie tant bien que mal de s'humaniser pendant que l'écrivain spolié sombre dans la dépression en se terrant comme un animal.
Cette critique des milieux littéraires et médiatiques, en une fable animalière, est un petit bijou de drôlerie et d'ironie. À lire en ces temps Maux...Roses.
Les yeux de Mona
J’avoue que le titre accrocheur de ce roman, avec sa couverture plutôt inattendue, avait d’emblée de quoi attirer mon attention. C’était plutôt bien vu de parler de la Joconde, pensais-je, mais avec le regard de « La jeune fille à la perle ». Toutefois, dès les premières pages, Thomas Schlesser nous apprend très vite, qu’il s’agit en fait des yeux de Mona, une enfant de dix ans, menacée d’une possible cécité dans un laps de temps incertain. Et c’est ainsi que nous voilà plongés au cœur d’un récit original quand les yeux deviennent les miroirs de l’âme.
Ce roman entremêle histoires de famille et Histoire de l’Art, dans un dialogue esthétique encouragé par un grand-père esthète et sa petite fille, devant une cinquantaine de productions artistiques exposées dans trois musées connus de Paris. Pendant que les parents de l’enfant se débattent dans des ennuis personnels dus au suivi ophtalmologique de la fillette, et professionnels suite aux difficultés financières de la brocante paternelle, Dadé le papy de Mona entreprend de lui faire découvrir dans un souci thérapeutique, les œuvres d’art les plus significatives selon lui, avant qu’elle ne risque de perdre vraiment la vue : comme s’il voulait imprimer à jamais dans sa tête, les images contemplées auparavant, creusées par le sillon de la pensée Merleau-Ponty dans « l’œil et l’esprit ». « […] parce que le monde, a au moins une fois, gravé en lui les chiffres du visible ».
L’auteur nous fait ainsi arpenter, chaque mercredi, les couloirs d’un musée en choisissant une production artistique bien particulière. Thomas Schlesser, historien de l’art de formation, en profite pour aborder de manière didactique, la vie des artistes privilégiés tout en commentant leurs œuvres. Par ailleurs, Henry, notre heureux papy souhaite passer le flambeau à sa petite fille bien aimée tout en gardant à l’esprit cette formule célèbre de Robert Filliou « l’art, c'est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art ».
Cette approche de l’art pour les néophytes, m’a immédiatement fait songer au « Monde de Sophie », du norvégien Jostein Gaarder, un roman initiatique sur la philosophie paru en 1995. Alors bien sûr, on peut toujours discuter du choix des œuvres, de leur description parfois un peu longue et répétitive. Personnellement, j’aurais souhaité découvrir leur intitulé complet à la fin de l’ouvrage, afin de pouvoir les contempler plus facilement sur un support informatique. Mais dans l’ensemble, le discours esthétique m’a paru juste et de bon aloi. À vrai dire, j’émets juste un seul petit bémol sur la présentation de la Joconde, j’aurais tellement aimé que l’auteur fasse référence à l’immense et regretté Daniel Arasse qu’il a pourtant bien connu et apprécié.
Ce récit initiatique vous donnera sûrement l’envie de (re)découvrir nos musées… et d’ailleurs pour ma part, j’ai toujours eu dans l’idée de conduire ma petite fille Clara au Louvre, afin qu’elle contemple enfin in situ et de visu, cette fameuse Joconde, aux sourcils épilés et au sourire fugitif d’ailleurs incorrects pour l’époque ; dans l’éphémèrité de ce sourire, Mona Lisa nous enveloppe de son regard, confortablement assise dans une loggia en tournant le dos à un paysage lointain sans présence humaine, mais d’où s’érige un petit pont de pierre qui symbolise le temps qui passe… voilà donc le secret de ce portrait entre cette grâce souriante et ce paysage chaotique, une méditation sur le temps puisque selon Léonardo « la pittura es cosa mentale ».
Mamu qui est aussi mamie
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